Une de nos plantes culinaires les plus utilisées, la menthe présente également un intérêt majeur en tant que plante médicinale
UN PEU D’HISTOIRE
Comme le note avec humour un moine du IXe siècle auteur d’un traité sur les plantes, » si on voulait énumérer complètement toutes les vertus, sortes et noms de la menthe, on serait capable de dire combien de poissons nagent dans la mer Rouge… «
C’est la menthe poivrée (Mentha piperita), appréciée pour sa finesse et sa richesse en essence aromatique qui a la vedette tant en pharmacie et cosmétologie qu’en confiserie ou dans la fabrication de liqueurs et boissons, mais toutes les espèces possèdent des propriétés identiques qui leur ont valu d’être largement utilisées depuis la plus lointaine antiquité.
Selon la mythologie grecque, la nymphe Minthe se serait transformée en plante, Le latin mentha ainsi que le grec minthé dérivent d’une langue antérieure à l’indoeuropéen. Diverses sortes de menthe comptaient parmi les herbes médicinales de la Chine ancienne. Les Japonais se servent du menthol comme remède depuis déjà 2000 ans. Près de Abdel-Quarnah, on a trouvé des restes de menthe dans des tombeaux de l’ancienne Egypte datant de 1200 à 600 ans av. J.-C. Dioscoride décrit la menthe comme une plante bonne pour l’estomac et son contemporain Pline la recommande contre les douleurs abdominales et les maux biliaires: «elle apaise les maux d’estomac et chasse les vers des intestins». Les Grecs du temps de Périclès en font un parfum ; les Hébreux également, d’où le reproche que Jésus adresse aux scribes et pharisiens qui dépensaient sans compter pour s’en procurer et négligeaient la justice et la miséricorde. Les Romains en mettent dans leur vin pour l’aromatiser et l’incorporent à la plupart de leurs sauces ; leurs femmes mâchent une pâte faite de menthe et de miel pour avoir l’haleine fraîche et ainsi masquer l’odeur du vin qu’elles boivent en cachette à l’époque où la loi punit de mort celles qui useraient d’un breuvage réservé aux hommes et aux dieux. Pline recommande à ceux qui étudient de se ceindre la tête d’une couronne de menthe tressée car elle réjouit l’âme et donc est bonne pour l’esprit, mais il en déconseille l’usage aux amoureux parce que, comme Hippocrate et Aristote, il la juge « contraire à la génération » (les Grecs étaient d’un avis opposé : ils interdisent à leurs soldats de manger de la menthe car, disaient-ils, elle incite tant à l’amour qu’elle diminue le courage).
La menthe constitue également un des principaux moyens de lutte contre la vermine, surtout la menthe pouliot (son nom vient d’ailleurs de pulex : puce en latin) ; on en jonche le sol, on en met dans les lits, et même dans les sacs de grain ou près des fromages parce que son odeur chasse aussi les souris. Enfin, à toutes les époques, elle est la providence des mères de famille en raison de ses vertus thérapeutiques : elle est rafraîchissante, antiseptique, digestive, expectorante, antispasmodique, tonique.
BOTANIQUE
Les menthes du commerce, menthe poivrée et menthe verte, sont toutes deux cultivées en grand, riches en menthol, très parfumées. Les menthes sauvages sont moins puissamment aromatiques mais leur parfum est souvent délicat. Elles manifestent un grand pouvoir de variation et d’hybridation mais les propriétés des nombreuses formes de chaque type sont les mêmes. En pratique, il suffit donc de connaître les traits principaux des cinq espèces présentes en France et en Europe occidentale. Les menthes, famille des Lamiacées (ex Labiées), sont des plantes vivaces à tiges carrées, à feuilles opposées, dentées. Les fleurs ont un calice en tube ou un peu en cloche, à 5 dents presque égales, une corolle en tube à 4 lobes presque réguliers, non disposés en 2 lèvres comme chez les autres Labiées, 4 étamines presque égales. Ces fleurs sont disposées soit en têtes arrondies ou en épis terminaux non feuillés, soit en verticilles à l’aisselle de feuilles supérieures, La souche émet des stolons donnant naissance, ici et là, à de nouveaux pieds. Le parfum est, bien sûr, un excellent caractère de reconnaissance.
Les menthes se rencontrent peu souvent par pieds isolés : la plupart du temps, elles forment de petites populations parfumées dans les fossés, les prairies, au bord des ruisseaux et des étangs. Les formes hybrides, souvent stériles, compensent cet état par une intense multiplication végétative, émettant des stolons envahissants, parfois au point de supplanter les parents.
Les jardiniers connaissent bien la tendance qu’a cette plante à envahir leur jardin et la difficulté à l’éradiquer. Pour ma part, je la cultive dans un carré de terre entouré d’une maçonnerie sur ses quatre côtés, ce qui l’empêche de s’étendre.
Principales variétés : celles que vous avez toutes chances de rencontrer lors de vos promenades botaniques :
- Menthe verte (Mentha spicata)
- Menthe aquatique (Mentha aquatica)
- Menthe poivrée (Mentha piperita)
- Menthe pouliot (Mentha pulegium)
- Menthe des champs (Mentha arvensis)
- Menthe à feuilles rondes (Mentha rotundifolia)
- Plus : les innombrables hybrides …
PARTIES UTILISEES et MODES D’UTILISATION
Les parties utilisées sont les feuilles fraîches ou séchées. On les récolte en été au début de la floraison lorsqu’elles développent leurs plus belles qualités aromatiques.
- l’infusion : grand classique familial, peut-être la » tisane » la plus utilisée devant le tilleul, la verveine odorante, la fleur d’oranger,…
- la teinture-mère, ou extrait hydro-alcoolique de feuilles fraîches.
- l’extrait fluide ou extrait hydro-alcoolique de feuilles sèches, nettement plus concentré en principes actifs que la TM.
- l’huile essentielle, enfin, très utilisée également, mais à utiliser avec précaution.
COMPOSITION CHIMIQUE
La feuille de menthe contient de nombreux métabolites secondaires aromatiques :
- des acides-phénols (jusqu’à 7 %),
- des flavonoïdes (glycosides de la lutéoline, de l’apigénine),
- des monoterpènes et des triterpènes. Le métabolisme des terpènes est fortement influencé par les facteurs environnementaux.
On extrait des feuilles une huile essentielle par distillation à la vapeur d’eau. Sa composition varie fortement avec les conditions climatiques, culturales et la date de la récolte. Elle est principalement constituée de :
- menthol : 30 à 40 %, parfois jusqu’à 64 %.
- menthone : de 15 à 25 % Le menthone est issu d’une oxydation du menthol.
- acétate de menthyle, de l’état de trace jusqu’à une forte concentration de 30,2 % ; il provient d’une estérification du menthol
- menthofurane, composé hépatotoxique, parfois absent mais pouvant atteindre 10 %
- (+)-isomenthone, (+)-néomenthol, (-)-pipéritone, terpinène-4-ol, β-viridiflorol, etc.
Les esters mentholiques de (5 à 10 %) sont responsables de la flaveur mentholée et rafraîchissante de l’huile essentielle de menthe. Les feuilles de bonne qualité destinées à un usage pharmaceutique donnent de 10 à 30 ml d’huile essentielle par kg de feuilles sèches.
PROPRIETES
Les menthes sont toniques, stimulantes, antispasmodiques.
Vantées pendant longtemps comme des panacées, elles ont connu un tel déclin que la plupart de ceux qui, de nos jours, prennent une infusion de menthe, ignorent qu’il s’agit de l’une des meilleures médicinales. Au XVIIIéme siècle, déjà, on s’en tenait pratiquement aux seuls emplois digestifs. Il a fallu attendre les recherches des pharmacologistes de la fin du XIXéme sur l’essence, ses composants et son action physiologique, pour voir le champ des indications retrouver son ancienne ampleur, tout en se précisant.
Dans les années 1920-1940, on mit en évidence l’action puissamment bactéricide du menthol : l’essence de menthe poivrée est au quatrième rang des essences antiseptiques.
N.B. : Ne jamais faire respirer à un nourrisson de l’essence de menthe ni de menthol : risque de spasme laryngé pouvant entraîner la mort par asphyxie.
Propriétés de la plante
- Décontracturant musculaire, antispasmodique et relaxant des muscles lisses intestinaux
- Antalgique]
- Neuroprotecteur, effet antidépresseur
- Stimule la sécrétion biliaire et les autres sécrétions digestives, facilite l’expulsion des gaz
- Antiseptique
- Antivirale
- Anti-histaminique, antiallergénique
- Immunomodulateur
Propriétés de l’huile essentielle
- Stimulant général et tonique nerveux, un peu excitante
- Antiseptique, antifongique
- Effet immunostimulant
- Sécrétolytique, décongestionnante nasale, astringente
- Anesthésiante de la peau et des muqueuses et rafraîchissante
- Vaso-constrictive nasale, peut être irritante, antispasmodique
- Huile essentielle anti-migraineuse
- Sympatholytique (Lapraz & Duraffourd)
INDICATIONS
Indications de la plante entière
- Nausées, reflux gastro-œsophagien, aérogastrie, mal des transports
- Colopathies, colites spasmodiques, spasmes digestifs, ballonnements, syndrome de l’intestin irritable
- Lithiases urinaires
- Rhinites allergiques
Indications spécifiques de l’huile essentielle
- A réserver à l’adulte, entre en synergie avec la majorité des autres huiles essentielles en infectiologie.
- Colites spasmodiques, spasmes digestifs, syndrome de l’intestin irritable
- Reflux gastro-œsophagien
- Lithiases urinaires
- Migraines : application locale sur le front, le lobe des oreilles, les tempes et la nuque répété ttes les 5 minutes entraînerait une amélioration totale dans 95 % des cas
- Névralgies dentaires
USAGES
1) Usage humain
- Usage interne :
– fatigue générale
– atonie digestive / indigestions
– gastralgies / vomissements
– aérophagie
– spasmes gastriques et coliques
– flatulences, diarrhées, choléra
– intoxications d’origine gastro-intestinale
– fétidité de l’haleine des dyspeptiques
– affections hépatiques
– palpitations et vertiges
– migraines
– règles insuffisantes ou douloureuses
– asthme / bronchite chronique (favorise l’expectoration)
– parasites intestinaux.
- Usage externe (huile essentielle) :
– gale
– asthme
– bronchites
– sinusites
– migraines
– névralgies dentaires (en association avec H.E. Girofle ou Tea tree)
– moustiques (les éloigne).
– La menthe est résolutive. On appliquait sur les seins engorgés un cataplasme fait d’un mélange de menthe fraîche, pilée, et de farine de froment. Son infusion vineuse ou aqueuse s’utilisait sur les ulcères atones, les contusions, les ecchymoses. Vulnéraire très populaire autrefois, on l’appliquait sur les plaies; l' »huile de baume » s’obtenait par macération au soleil, pendant le mois succédant à la récolte, des sommités de menthe dans de l’huile d’olive.
2) Usage vétérinaire
Nettement moins utilisée en médecine vétérinaire qu’en médecine humaine, la menthe est utilisée chez l’animal essentiellement en cas de problèmes digestifs, vomissements, anorexie, dyspepsie, flatulences, etc… , sous toutes ses formes : extraits aqueux, hydro-alcooliques, huile essentielle. L’huile essentielle peut aussi être utilisée par voie externe, associée à d’autres, et diluée dans un excipient huileux ou alcoolique, dans les pathologies de l’appareil respiratoire.
3) Usage condimentaire
Plante à tisane la plus populaire, la menthe est une condimentaire à peine connue ; c’est pourtant un aromate excellent qui convient parfaitement au mouton, aux plats à caractère exotique, aux soupes (et particulièrement aux soupes à la tomate, au potiron, aux pois cassés), aux petits pois, aux féculents chauds ou froids, aux salades douces et composées ( »niçoises »), aux sauces accompagnant les viandes ; il est préférable d’employer ici la menthe fraîche, qui se prête mieux à l’émondage, au broyage, qui est moins forte, qui ne croque pas dans la salade. Dans l’apport condimentaire, la menthe verte est à préférer à la menthe poivrée, de saveur excessive.
Par macération dans l’eau-de-vie, on prépare la crème de menthe dont on ne saurait confondre l’usage avec celui de l’infusion, Etendue d’eau, elle est fort rafraîchissante et très agréable en été : dans 1 litre d’eau-de-vie, faites infuser pendant quelques jours 15 g de menthe verte (sèche) ., ajoutez ensuite 150 à 200 g de sucre et laissez-le se dissoudre ; comptez enfin sur le tout 15 gouttes d’essence de menthe poivrée et laissez reposer le plus longtemps possible avant l’emploi.
4) Usages divers
La menthe empêche le lait de cailler ; on assure même que celui des vaches qui l’ont broutée est impropre à la fabrication du fromage. Le sirop de menthe se prépare ainsi : faire macérer 1 h, au bain-marie, 40 g de menthe poivrée ou verte, sèche, dans 1 litre d’eau ; passer ; ajouter 1 kg de sucre.
Cas particulier de l’homéopathie
Qui n’a pas entendu dire un jour que l’utilisation de la menthe pouvait neutraliser les effets d’un traitement homéopathique ? Certains laboratoires homéopathiques en ont même profité pour fabriquer des dentifrices sans menthe, donc » homéo-compatibles » !
Il va sans dire que cette affirmation ne peut être vérifiée et reste sans aucun doute très aléatoire.
EXEMPLE DE TRAITEMENT
Cas d’un chien qui a du « mal à manger », est régulièrement pris de nausées ou de vomissements, voire de troubles intestinaux. Après examen clinique et élimination de tout risque de maladie infectieuse, il bénéficiera d’un traitement où la menthe sera associée à d’autres plantes antispasmodiques comme la mélisse officinale ou la ballotte fétide.
BIBLIOGRAPHIE
- Pierre Lieutaghi » Le livre des bonnes herbes » – Editions Actes Sud
- Docteur Jean Valnet » Aromathérapie » – Editions Maloine
- Wikipédia » L’encyclopédie du Net «