Belladonna

 

La belladonne

 

LA BELLADONE (ATROPA BELLADONNA) – Famille des Solanacées

 

De tout temps, l’homme a porté un intérêt particulier aux Solanacées, soit en raison de leurs propriétés toxiques ou médicinales (Mandragore, Jusquiame, Belladone) ou de leurs qualités nutritives (Pomme de terre, Tomate, Aubergine), soit pour leur fonction d’épices (Paprika), de stimulants ou de stupéfiants (Datura, Tabac).

Les plantes de cette famille sont caractérisées par la présence de nombreux alcaloïdes comme l’hyosciamine (Belladone, Datura, Jusquiame) la scopolamine (Mandragore), la nicotine (Tabac) et, de plus, d’hétérosides: solanine dans le genre Solanum (Pomme de terre) et Lycopersicon (Tomate) Le nom de Belladone – dérivé de son nom spécifique Bella-donna, belle dame en latin – rappelle que cette plante servait jadis de cosmétique pour donner du brillant aux yeux. L’atropine dilate en effet les pupilles.

Au temps jadis, on utilisait la Belladone pour préparer des philtres magiques, mais assez souvent aussi dans des buts criminels. Au Moyen Age, elle entrait avant tout dans la composition de breuvages cabalistiques. L’effet que produisaient ceux-ci – l’illusion d’être libéré de la pesanteur et de planer dans les airs ainsi que des hallucinations orgiastiques – tel que nous le connaissons par l’histoire de la sorcellerie, a été confirmé de nos jours par des scientifiques de renom, qui ont testé sur eux-mêmes l’action de mixtures analogues. Dans un nombre non négligeables de procès intentés aux présumées sorcières, où les accusées étaient soumises aux interrogatoires du tribunal criminel, on les forçait à boire des breuvages concoctés à la Belladone. Les prévenues tombaient alors dans des états de démence et se répandaient en auto-accusations.La belladonne

La langue anglaise, friande de termes imagés pour définir les plantes (exemple « Forget me not » pour le Myosotis) lui a attribué le nom de « Deadly night shade » (« Ombre mortelle nocturne »)

Ce sont précisément les baies, noires et luisantes comme de la laque, de laBelladone répandue dans les lieux déboisés et à la lisière des forêts, qui sont encore et toujours source d’empoisonnement. Dix à vingt baies sont considérées comme une dose létale pour l’adulte, deux à cinq pour l’enfant selon son âge.

Elle est par contre manifestement inoffensive pour de nombreux oiseaux (grives, merles, faisans) qui sont friands de ses baies, rejettent les graines avec leurs fientes et contribuent ainsi à leur propagation.

Les intoxications par les feuilles sont relativement rares.

 

BOTANIOUE

C’est une puissante plante vivace de 0,5 à 2 mètres de haut, dressée, ramifiée à sa partie supérieure, sortant d’un gros rhizome cylindrique et charnu. Toute la plante est couverte de poils glanduleux qui lui donnent un toucher un peu visqueux.

Les feuilles sont simples, ovales ou elliptiques. Les fleurs sont solitaires, en tube penché, violacées à l’extérieur et jaunâtres en dedans. Le fruit est une baie à cinq loges, grosse comme une cerise, noire et luisante.

Cette curieuse plante est très capricieuse. Elle peut tout à coup apparaître en masse dans un endroit quelconque, avec une préférence pour les terres fraîchement remuées, puis elle disparaît aussi mystérieusement qu’elle était venue.

 

 COMPOSITION CHIMIQUE

Les composés les plus caractéristiques sont des alcaloïdes-esters, 0,30 à 0,60% dans la feuille, 0,40 à 0,80% dans la racine.

Le principal est l’ hyosciamine, lévogyre, résultant de la combinaison de l’acide tropique et d’un alcool secondaire le tropanol. Au cours de la conservation de la plante, l’ hyosciamine se transforme en atropine .

Parmi les autres dérivés, signalons: – un alcaloïde, l’époxyhyoscyamine, bien connu sous le nom de scopolamine ou hyoscyne.

– des coumarines: ombelliférone, scopolétol.

– des sels minéraux dont l’oxalate de calcium.

 

 TOXICOLOGIE

La toxicité de la Belladone est due à son alcaloïde le plus important : l’atropine. Cette toxicité est différente selon les espèces animales.

Son action se produisant par l’intermédiaire du système nerveux cérébrospinal, le sujet sera d’autant plus sensible que son crâne sera plus développé.

Viennent donc par ordre de sensibilité décroissante : l’homme, les carnivores puis les herbivores. Les ovins, les caprins, les lapins et les oiseaux ne sont pratiquement pas sensibles à la Belladone.

A dose relativement forte, elle produit une congestion cérébro-spinale active et violente avec excitation, vertiges, fureur, paralysie, coma et mort. Elle agit sur l’appareil circulatoire en produisant une forte accélération cardiaque; les carotides sont battantes, le pouls est plein, fréquent, bondissant, dur. Les yeux sont exorbités, les pupilles très dilatées (mydriase), la vue est troublée : les animaux se butent contre les objets qui les entourent. La fièvre est élevée. Les muqueuses sont sèches; toutes les secrétions, salive, urine, gastrique et intestinale, lait, sauf la sueur. sont fortement diminuées et même supprimées. La déglutition devient impossible; l’estomac et l’intestin ne fonctionnent plus. La peau est le siège d’une congestion rouge sèche, puis se couvre de sueur. Les articulations peuvent être gonflées et douloureuses. Puis l’excitation fait place à la paralysie, les sphincters sont relâchés; la démarche est stoppée, la station debout devient impossible, le pouls est imperceptible, puis apparaissent les convulsions et enfin la mort.

L’autopsie révèle toujours une forte congestion de tout le système cérébro-spinal intéressant également le cervelet, le bulbe et la moelle.

 

 USAGES THERAPEUTIOUES

 – USAGE ALLOPATHIQUE

De nombreuses spécialités pharmaceutiques utilisent son principe actif essentiel, l’atropine, pour ses propriétés vagolytiques. C’est ainsi qu’elle entre dans la formulation de plusieurs anti diarrhéiques à usage humain et vétérinaire (ex: le diarsed N.D.)

Autre domaine d’application: l’ophtalmologie; les propriétés mydriatiques (dilatatrices de la pupille) des collyres à l’atropine sont mises â profit dans la préparation aux examens de fond d’oeil (ex: la chibro-atropine N.D.)

 – USAGE PHYTOTHERAPIQUE

Tout à fait anecdotique étant donné la toxicité de la plante, son utilisation se limite à la prescription de la teinture-mère à faible dose dans certains syndromes vagaux. Elle est par exemple très utile dans le traitement de certaines diarrhées liées à un dysfontionnement important du système nerveux parasympathique. Il m’est ainsi arrivé de la prescrire – en association avec d’autres plantes moins toxiques – pour soigner des syndromes vagaux chez le chat, souvent caractérisés par une association d’apathie, de troubles intestinaux, et de relachement de la membrane nictitante (membrane oculaire encore appelée « 3ème paupière » et sous dépendance directe du système nerveux parasympathique encore appelé vague), troubles félins souvent liés à une mauvaise alimentation.

USAGE HOMEOPATHIQUE

C’est sans aucun doute dans cette approche thérapeutique qu’elle prend vraiment la place qui lui est due.

Belladonna – puisque que c’est le nom que les homéopathes ont décidé de lui donner- fait partie des très grands remèdes de la matière médicale homéopathique.

Sa prescription, basée sur les symptômes dus à l’intoxication par la plante, se fera sur trois signes essentiels, parfaitement définis par la langue latine : « Rubor « ;  » Dolor « ;  » Calor « .

Il s’agira donc de maladies avec inflammation, douleur et chaleur.

Par exemple, dans le cas d’un chien qui présente une otite aigüe avec douleur vive, rougeur et chaleur du pavillon et du conduit, on prescrira Belladonna 5 CH à raison de trois granules plusieurs fois par jour jusqu’à guérison.

Ce remède présente également une forte latéralité droite, c’est-à-dire que les pathologies relevant de son action porteront sur le côté droit du corps.

Mais l’action de Belladonna n’est pas seulement aigüe, elle est également très utile dans certaines pathologies atteignant le système nerveux, épilepsie par exemple et dans beaucoup de troubles atteignant le mental de l’animal.

 

CAS CLINIQUE

« Grossesse nerveuse »

Fuschia est une chienne Dobermann de cinq ans, que je vois en consultation en raison d’une grossesse nerveuse très perturbante, accompagnée d’une forte lactation.

Cette chienne est très perturbée : elle passe son temps à se cacher, fuit la lumière, et est devenue plus agressive. L’examen clinique montre des mamelles très gonflées, rouge vif et très sensibles au contact. Tableau clinique parfait pour l’homéopathe que je suis : Fuschia présente des signes typiques de Belladonna, que ce soit sur le plan mental ou physique.

Elle reçoit donc :

Belladonna 30 CH : une dose-globules en une fois

Belladonna 7 CH : trois granules matin et soir, jusqu’à guérison.

Sa maitresse passe me voir quelques jours plus tard pour m’apprendre que sa chienne a guéri très rapidement, et ajoute « Docteur, vous m’avez changé ma chienne ! » En effet, Fuschia est beaucoup plus détendue qu’elle ne l’était avant sa maladie, elle ne se cache plus et est devenue beaucoup plus douce. Belladonna était en fait le remède de fond (le « Simillimum ») de cette chienne, et son action a été beaucoup plus profonde sur le mental qu’elle n’a pu l’être sur cette grossesse nerveuse, simple exacerbation aigüe d’un déséquilibre profond sous-jacent.

Grand remède à surtout ne pas laisser aux oubliettes !